Dans la première moitié de 1976, le tout jeune mensuel rock More ! a bien mis Patti Smith en couverture de son numéro du mois de mars et consacré en juin une page et demie à son légendaire concert à l’auditoire Paul-Emile Janson de l’ULB en mai, mais ce sont les valeurs établies comme les Stones, Bowie et Genesis qui se partagent les articles pleine page. En novembre, « le dinosaure du rock » (cf. l’éditorial) Led Zeppelin est en couverture, mais Bert Bertrand, la personnalité la plus en vue du journal, lance The Punk Page.
Comme à Londres, alors en pleine effervescence, en Belgique une nouvelle génération en a marre des intellos du prog rock (Yes, Emerson Lake & Palmer, Genesis) et prend d’assaut les podiums de petits clubs. À Bruxelles, dans l’attente de l’ouverture du Rockin’ Club annoncée par More ! pour début 1977, les premiers punks se retrouvent le dimanche après-midi aux Gémeaux, une discothèque du Bld. du Souverain qui, devenue le Canotier, accueillera plus tard de nombreux artistes dont Simple Minds qui joueront selon Gilles Verlant, co-organisateur du concert, devant 12 personnes! Pour l’heure on y danse entre autres sur les Ramones, grâce au DJ Auguste (Gust De Coster, futur cofondateur de la radio libre FM Bruxel en 1980).
Le Rockin’ Club ouvre en février sous Forest National : le premier groupe punk belge programmé est Hubble Bubble, dont le batteur Roger Jouret passera à la postérité sous le nom de Plastic Bertrand. Le deuxième est Chainsaw, groupe bruxellois éphémère mais dont les membres marqueront de leur sceau qui la new wave (Jerry Wanker devenu WX avec Première catégorie mise en avant dans l'application Belgium Underground, le punk arrive en Belgique en 1976
Digital Dance), le punk engagé (Bob Seytor avec Streets puis Contingent) ou l’électro (Micky Mike devenu Snowy Red). En avril, c’est enfin au tour des Kids de faire pogoter le Rockin’ Club. Ce trio anversois a été fondé en 1976 par Ludo Mariman. Les Kids et Chainsaw se disputent donc le titre de premier groupe punk formé en Belgique.
Hélas l’aventure Rockin’ Club touche déjà à sa fin : des dalles de l’escalier menant à la patinoire et au club ont été cassées. La direction de Forest national en impute évidemment la responsabilité aux punks, pas aux patineurs.
En mai 1977 les Damned et les Ramones passent à l’auditoire Janson. Les Sex Pistols y sont programmés le 26 juin, mais ils ne viendront pas. The Clash qui, bien qu’annoncé, n’était pas venu au Rockin’ Club, livre une prestation chahutée en août au festival de Bilzen : le gros du public et les mecs du service d’ordre ne comprennent pas que les punks – soutenus par Joe Strummer – veulent abattre la clôture métallique qui réserve un couloir « presse » aux photographes et scribouilleurs au pied de la scène. Le 16 septembre Iggy Pop est à la salle Roma d’Anvers pour un concert inoubliable dont les Kids assurent la première partie.
L’automne 1977 voit toutefois le début d’une levée de boucliers de l’establishment, commençant par le fameux décret 90dB. Celui-ci sera suivi de nombreux articles dans la presse généraliste visant à diaboliser les artistes punk – ou perçus comme tels – et leur public. Les profs de l’ULB se plaignent de l’état du Janson les lendemains de concert.
Le 17 janvier 1978 Talking Heads donne un concert mémorable dans un nouveau lieu qui deviendra mythique : le Vieux Saint Job à Uccle. C’est une organisation Clean-X. Gilles Verlant, personnalité aussi influente que Bert Bertrand dans l’équipe de More ! / En Attendant, s’est associé avec Philippe Kopp et Christian Fletcher pour organiser des concerts.
Le First Belgian Punk Contest au Vieux St Job en mars permet à différents groupes de se retrouver sur l’album live de la firme de disques JW, organisatrice de l’évènement. Les Mad Virgins s’y produisent avant d’accompagner Verlant dans une tournée de causettes/débats sur le rock organisée par Diffusion alternative. Le but: « informer sur une musique qui fait peur » (!).
En mai, 35 groupes belges punks et new wave se produisent à la Super Nouba, dans la station métro Bourse. Particulièrement remarqués: Thrills. C’est un de leurs derniers concerts avant le split, mais tant Xavier Ess le chanteur que Stephan Maes/Barbery le guitariste et Alain Lefebvre le batteur (actuellement producteur) poursuivront une voie artistique.
Patti Smith poursuit, elle, sa conquête du public belge: elle est au Cirque royal (avec les Kids) en mars, à Forest national (avec Magazine) en septembre. Du côté des groupes belges, X-Pulsion (Peter Schläger performer extraordinaire, Jerry Wanker/WX guitare, Kurt Klang basse, Klaus Klang batterie) va bientôt donner naissance à Digital Dance (Jerry + Stéphane Maes/Barbery) et Klang (les frères du même nom), mais là on est déjà très loin du punk brut sur trois accords.
Nadine Milo (ex-More!/En Attendant)